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lundi 7 janvier 2013

Pédagogie différenciée ou...



                                         DIFFÉRENCIATION PÉDAGOGIQUE


Introduction :

« Peut-on enseigner sans différencier ? » la réponse est catégoriquement non !
Il est en effet impossible de séparer les deux concepts de pédagogie et de différenciation. Apprendre, comprendre, c’est faire sien les savoirs. C’est les ramener à du déjà connu que l’on enrichit. Aucun enfant n’ayant les mêmes connaissances de base, la même histoire, les mêmes besoins, les mêmes motivations, vouloir amener un enfant vers le savoir, ce sera toujours l’aider à prendre son propre chemin vers le savoir. On pourrait citer Philippe Meirieu : «  L’expression de pédagogie différenciée est un pléonasme, il n’y a de pédagogie que différenciée, puisqu’il n’y a de savoir que dans et par le chemin qui y mène ( L’école, mode d’emploi »)
la devise de la pédagogie différenciée est à chercher chez J-M ketele : «  Parler moins, faire agir plus, et observer pendant ce temps » ( « observer pour éduquer »)

la Loi d’orientation sur l’éducation du 9 juillet 1989 , dite « loi Jospin » précise dans son préambule :
« mettre l’enfant au centre du système éducatif , c’est d’abord le prendre tel qu’il est, avec ses acquis et ses faiblesses. C’est donc construire les apprentissages sur les compétences acquises précédemment :cela suppose de ne pas reprendre, fût-ce pour un groupe d’élève, des apprentissages déjà maîtrisés. Cela implique aussi que , quelle que soit la classe, les lacunes éventuelles de certains élèves soient comblées avant qu’ils n’abordent les apprentissages ultérieurs…. ». D’autre part, elle stipule que «  pour assurer l’égalité et la réussite  des élèves l’enseignement est adapté à leur diversité ».

1– définition : qu’appelle-t-on pédagogie différenciée ?

Il existe plusieurs sens de cette notion  mais tous répondent à une même préoccupation : celle d’adapter l’enseignement à la diversité des élèves.
L’idée de pédagogie différenciée est une vieille idée mais le nom est apparu en 1971, c’est Louis Legrand qui l’a consacrée.

-      D’après Louis Legrand (1971),  le terme de pédagogie différenciée désigne «  un effort de diversification méthodologique susceptible de répondre à la diversité des élèves »

-    Selon H.Przesmycki :
La pédagogie différenciée «  met en œuvre un cadre souple où les apprentissages sont suffisamment explicités et diversifiés pour que les élèves apprennent selon leurs propres itinéraires d’appropriation de savoirs ou de savoir-faire ».

-     A.de Péretti affirme quant à lui qu’il s’agit d’une méthodologie d’enseignement et non d’une pédagogie. Face à des élèves très hétérogènes, il est indispensable de mettre en œuvre une « pédagogie » à la fois variée, diversifiée, concertée et compréhensive. Il n’y a pas de méthode unique : il doit y avoir une variété de réponses au moins égale à la variété des attentes, sinon le système est élitiste.

2– pourquoi différencier ?


La raison principale en est l’ « hétérogénéité ».
En effet, la démocratisation du système éducatif a eu pour effet de rendre les classes hétérogènes. Mais en quel sens peut-on dire des classes qu’elles sont hétérogènes ?plus précisément, qu’est-ce qui fait que les élèves sont dits «  hétérogènes » ?

Les postulats de Burns :

1.      Il n’y a pas 2 apprenants qui progressent à la même vitesse.
2.      Il n’y a pas 2 apprenants qui soient prêts à apprendre en même temps.
3.      Il n’y a pas 2 apprenants qui utilisent les mêmes techniques d’étude.
4.      Il n’y a pas 2 apprenants qui résolvent les problèmes exactement de la même manière.
5.      Il n’y a pas 2 apprenants qui possèdent le même répertoire de comportements.
6.      Il n’y a pas 2 apprenants qui possèdent le même profil d’intérêt.
7.      Il n’y a pas 2 apprenants qui soient motivés pour atteindre les mêmes buts.

D’après ces postulats, nous voyons que l’hétérogénéité peut porter sur différents axes :

-          sur le plan cognitif :

Il existe chez les élèves une grande hétérogénéité  dans le degré d’acquisition des connaissances exigées et dans la richesse de leurs processus mentaux où se combinent représentations, stades de développement, images mentales (On se réfère là essentiellement à la théorie des «  profils pédagogiques » d’Antoine de la Garanderie : certains ont une intelligence visuelle tandis que d’autre en ont une auditive voire kinestesiste ou manipulatoire), mode de pensée, stratégie d’apprentissage.

-          Sur le plan socioculturel :
Les élèves ont des valeurs, croyances, habitudes, histoires familiales, codes de langages, types de socialisation,…différents

-          Sur le plan psychologique et affectif :
Le vécu, ainsi que la personnalité de chaque apprenant, influent sur leur motivation, volonté, attention, créativité, curiosité, énergie, plaisir, équilibre, rythmes, relation maître/élève (relation pédagogique), relation élève/élève




Il existe une distinction au niveau institutionnel ( la mise en place des cycles ) et de l’établissement ( décloisonnement ) mais nous centrerons notre exposé sur la différenciation pédagogique dans le cadre de la classe.


I – Les principes qui sous tendent la pédagogie différenciée ou comment différencier la pratique pédagogique ?


On rappelera juste que Philippe Meirieu a affirmé que le bon enseignant en pédagogie différenciée est celui qui dispose d’une panoplie de méthodes et qui, en fonction des situations qu’il rencontre, sait aller chercher dans ce réservoir celle qui va convenir. Il sait aussi en changer quand il voit  que cela ne marche pas, parce qu’il a des alternatives.

 


Tableau de comparaison de l’enseignement  centré sur le maître et l’enseignant centré sur l’apprenant :

Caractéristiques
Centré sur l’enseignant
Centré sur l’apprenant
-          La situation d’apprentissage




-          Le rôle de l’enseignant


-          Les objectifs




-          La vitesse(le rythme)

-          Les activités de formation




-          L’individualisation




-          La participation


-          L’évaluation









-          La maîtrise des objectifs




-          La réussite du cours


-          la situation est orientée vers la performance de l’enseignant, l’accent étant mis sur l’enseignant.


-          L’enseignant est un dispensateur d’information.


-          Les objectifs ne sont pas ordinairement énoncés en termes précis et observables.


-          Tous les apprenants doivent aller à la même vitesse.

-          Il s’agit surtout d’exposés magistraux ; l’enseignant décide de l’usage ou non de moyens audiovisuels.


-          Le cours centré sur l’enseignant s’adresse à un public, même restreint, en position de « collectif frontal ».

-          La participation est sporadique

-          L’évaluation est donnée tardivement et rarement.








-          On s’attend à ce qu’un tiers des apprenants soit bon, qu’un autre tiers soit « assez bon » et que le dernier tiers des apprenants échoue.

-          La réussite est jugée le plus souvent d’une façon subjective par l’enseignant.
-          La situation est orientée vers la performance de l’apprenant et l’enseignement individualisé, l’accent étant mis sur l’apprentissage

-          L’enseignant est un diagnosticien, un ordonnateur, une personne ressource qui motive.


-          Les objectifs sont énoncés en termes de comportements de l’apprenant et présentés avant de commencer l’enseignement.


-          Chaque apprenant peut progresser à sa propre vitesse.

-          Plusieurs activités de formation sont utilisées afin de favoriser un meilleur apprentissage ; les médias sont utilisés sur une base d’efficacité, laquelle a été établie après essais avec les apprenants.

-          Le cours centré sur l’étudiant est individualisé ; chaque apprenant peut se servir, en tout ou en partie, du matériel didactique disponible.

-          La participation est active.


-          L’évaluation est fréquente et immédiate, elle est donnée après de petites unités de matière étudiée.
-          Les tests sont préparés pour mesurer la maîtrise des objectifs établis au début du cours ; ils ont pour buts d’évaluer les habiletés préalables, de diagnostiquer les forces et les faiblesses des apprenants et la maîtrise des objectifs.

-          Si on leur donne assez de temps, on s’attend à ce que tous les étudiants parviennent à maîtriser les objectifs.



-          Les objectifs et l’évaluation permettent à l’enseignant de corriger son matériel didactique et de savoir si son cours est réussi en termes d’acquisition des connaissances et de l’apprenant.






Pour l’un : c’est  l’application du « pareil pour tous de la même façon » : un traitement identique pour tous ne peut alors qu’accentuer les difficultés. Face à un traitement scolaire identique, les différences se transforment en inégalités. Un mode unifié d’enseignement valorise  toujours les mêmes élèves. Les recherches montrent que  personne ne peut apprendre à la place de l’enfant et personne ne peut apprendre tout seul. Ces perspectives modifient le rôle de l’enseignant  qui n’apparaît plus comme un dispensateur de savoir, mais comme l’organisateur de situations d’apprentissage variées.  Puisque les obstacles ne sont pas les mêmes pour tous, ils pourront être franchis en mettant à la disposition de chacun une diversité d’outils, de démarches d’entrées dans les apprentissages  ou une possibilité de choix dans les objectifs à atteindre. La différenciation peut alors s’opérer par plusieurs entrées :


A– expliciter les objectifs d’apprentissage et miser sur l’évaluation formative

l’objectif se définit comme le résultat escompté, par opposition au but qui énonçait le résultat recherché. La nuance est subtile mais n’est pas vaine : car il ne s’agit plus de répondre seulement à la question «  qu’est-ce qu’on veut » mais d’y adjoindre la question « qu’est-ce que l’on peut ? » c’est-à-dire la prise en compte des conditions  et des moyens qui vont permettre à l’enseignant comme aux apprenants de prévoir et non simplement de souhaiter.
Formuler des objectifs c’est faciliter l’information et l’action, c’est se donner les moyens de répondre à la question : ai-je bien fait ce que je croyais faire ?
Ainsi, la notion d’objectif est inséparable de celle de l’évaluation non au sens de la notation et de la sanction mais au sens de la vérification si les résultats escomptés ont été atteints ou non. Nous nous intéresserons plus particulièrement à l’évaluation formative qui nous paraît aller de pair avec la différenciation pédagogique car elle permet d’aider l’élève dans son apprentissage dans la mesure ou elle aide l’élève à mesurer ses progrès à chaque étapes de l’élaboration de la tâche et lui donne ainsi la confiance nécessaire pour la poursuite de son travail.
Tout d’abord rappelons ce qu’est l’évaluation formative : elle repose sur des observations, un questionnement… et peut se faire tout au long d’un apprentissage (elle est continue).

L’évaluation des acquisitions est importante pour l’élève et pour le maître :
-          pour l’élève : il pourra situer la nature et le degré de compétences qu’il a déjà acquises.
-          pour le maître : mesurer la nature et le degré des compétences déjà acquises par l’élève lui permettra de proposer à celui-ci des itinéraires d’apprentissage à sa portée, adaptés à ses possibilités réelles ou à son profil pédagogique.


B – prendre en compte les spécificités de chacun :

a -  dans ses motivations
Les enfants ont des motivations très différentes pour travailler et apprendre, comprendre le sens d’un apprentissage (par exemple savoir quel est l’intérêt des livres pour vouloir apprendre à lire).
b – dans ses stratégies d’apprentissage

Ce point découle du précédent.
il est nécessaire que l’enseignant observe comment l’enfant s’y prend pour apprendre : il pourra alors constater des différences importantes entre élèves sur plusieurs plans. Cette observation des élèves en train d’apprendre s’accompagnera du souci de les voir expliciter leurs procédures, il s’agirait donc d’introduire une dimension réflexive par rapport aux démarches d’apprentissage. Le rôle de la  métacognition est absolument déterminant dans les apprentissages : Elle nécessite d’accorder du temps aux élèves pour expliciter, justifier et analyser les réponses et les stratégies.
 En effet, rien ne peut être acquis sans que l’apprenant l’articule à ce qu’il sait déjà, et rien ne peut être acquis sans tenir compte de sa stratégie.

C – varier les modes de communication et de situation d’apprentissage


a – variation des modes de communication

 On peut aussi varier les modes de communication entre individus ou groupes : orale, écrite, imagée, gestuelle.

 b-  développer les apprentissages « méthodologiques » (tutorat (permet entraide entre élèves de niveaux différents)/ aide au travail personnel, soutien, remédiation)

c – diversifier les situations et les activités proposées aux élèves

Variation peut porter sur :

-          la présentation des contenus : exemples : partir des représentations des enfants ou présentation globale d’une notion à partir d’un document…de plus, un même contenu peut donner lieu à plusieurs types d’objectifs.

-          initiative laissée aux élèves : selon l’âge, le degré d’autonomie, la situation, on peut laisser certaines responsabilités : situation sans tâche définie ( enfant libre dans son exploration), semi-définie ( l’objectif à atteindre ainsi que le critère de réussite sont définis, l’enfant ayant le choix des moyens ), tâche définie ( l’objectif à atteindre, le critère de réussite ainsi que les moyens sont définis, l’enfant n’a plus qu’à exécuter).

-          L’organisation temporelle des activités : On peut, en effet, aménager l’emploi du temps afin de mieux respecter les rythmes de chacun en évitant de pénaliser ceux qui sont les plus lents, simplement parce qu’ils doivent utiliser une stratégie d’apprentissage plus complexe pour atteindre un objectif fixé. En effet, un élève pourra exécuter une tâche rapidement tandis qu’un autre aura besoin de plus de temps.

-          Les lieux où se déroulent les activités : table, coin-lecture, bibliothèque, dans la rue…

-          Recourir à des supports diversifiés : Les matériels et médias utilisés     (informatique, cassette audio/vidéo...)

-          Le mode de groupement des élèves dans la  classe (travail individuel, de groupe (permet le conflit sociocognitif), en grand groupe ). Les groupements provoquent des interactions sociales et des réactions qui sont constructives pour l’apprentissage demandé.

-          La consigne : ouverte, semi-ouverte, fermée.


II – modalités de mise en œuvre


A – Deux sortes principales de différenciation


1 – différenciation successive :

Il s’agit d’utiliser différents outils et différentes situations d’apprentissage de manière à ce que chaque élève ait le maximum de chances de trouver une méthode lui convenant. Là, le maître conserve une progression collective mais alterne les méthodes utilisées. Il s’agit de ne pas infliger aux élèves la même chose toute la journée.
Par exemple le maître pourra varier les supports, les situations (travail collectif, individuel, monitorat…)

2 – différenciation simultanée

elle consiste à distribuer à chaque élève un travail correspondant précisément à un moment donné du programme, à ses besoins et à ses possibilités.
Complexe à mettre en œuvre car nécessite une évaluation des élèves afin de déterminer le niveau de chacun sur un des points du programme, on pourra éviter la dispersion en instaurant des plans de travail individuel ou des contrats.


B – Vigilances nécessaires : attention aux risques de dérives !


1 – les vigilances nécessaires

-          il faut faire attention que la différence ne soit pas vécu sur le mode de l’exclusion.

-           il faut garder à l’esprit qu’il existe une double contrainte : il y a deux manières symétriques d’empêcher un élève d’apprendre : soit lui proposer quelque chose qui soit trop «  sur mesure » et ne le tire pas vers l’avant, soit lui présenter un but tellement distant de ses possibilités immédiates que cela le dissuade d’entreprendre.

2 – les risques de dérive

-          la dérive différentialiste : ce sont les parcours qu’il faut différencier et non les objectifs !
il faut faire attention que la lutte contre l’indifférence aux différences  soit tempérée par la lutte contre la sacralisation de la différence. En effet, il ne faut pas faire l’éloge de la différence.
Le respect des différences peut conduire à , sinon les créer, du moins les consacrer, les solidifier, c’est-à-dire les rendre irréductibles et définitives.
En effet, sous prétexte de tenir compte de la diversité des élèves, on va vouloir diversifier les tâches qu’on leur propose en fonction de leur niveau de difficulté et on retrouve là le risque de tous « groupes de niveaux. » : à savoir, ces groupes vont ils être suffisamment évolutifs ou va-t-on les pérenniser au point d’enfermer les élèves dans des quasi »filières » ?

-          dérive individualiste : « à chacun selon ses capacités et chacun pour soi ».
les différences de stratégies constatées chez les élèves sont souvent étiquetées par un seul trait saillant se prêtant à des oppositions binaires diverses (auditifs / visuels- rapide / lents). L’enseignant étiquetterait des différences et enfermerait l’élève dans le domaine auquel il appartient de sorte que certains élèves seraient « cantonnés dans des activités mécaniques en réservant à la minorité douée des activités nobles de la résolution de problème et de la critique rationnelle ».Louis Legrand


Attention : ce bref inventaire n’a aucune prétention à l’exhaustivité, encore moins de fiche de recette ou de modèle. Car la différenciation pédagogique ne peut se concevoir que comme échappant à toute rigidification ! En cela, l’expression de pédagogie différenciée est trompeuse quand elle s’écrit au singulier.

Conclusion


La progression de l’école élémentaire vient d’être réorganisée en cycle pour éviter les redoublements inutiles qui obligent les enfants à tout recommencer, même dans les disciplines où ils possèdent le niveau requis pour la « classe supérieure ». Toutes ces innovations incitent à un enseignement plus diversifié.

Différencier, c’est varier  le plus possible leurs actions pour que chacun puisse rencontrer à un moment ou à l’autre de son cursus, des situations dans lesquelles il puisse réussir. Car lorsque ce moment arrive, l’élève prend conscience de sa valeur et trouve l’assurance qui lui permettra d’affronter des taches plus difficiles, construisant ainsi sa propre progression. En cela, la pédagogie différenciée est une pédagogie de la réussite (et donc de ce fait d’aider les élèves en difficulté et de lutter contre l’échec scolaire).

Nous pouvons reprendre la métaphore de Michel Serres qui définissait la pédagogie comme le voyage des enfants. Différencier, c’est permettre à chacun, au sein du groupe « classe », de voyager vers des buts communs, par des chemins parfois différents, mais toujours accompagner par le maître.


Morale de l’histoire :

Différencier n’est pas renoncer ! La nécessité de la pédagogie différenciée étant admise, elle suppose d’entendre les différences et d’en tenir compte sans renoncer, sans baisser les bras (comme l’a fait la première cane-institutrice).

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